Pourquoi écrire un synopsis est douloureux ?
Lorsqu’on est dans l’écrire, on est ailleurs. On voyage dans une espèce de bulle créée de toute pièce avec la conviction rassurante d’être ailleurs puisqu’elle est artificielle, puisqu’on en est l’auteur, le maître. Le maître après Dieu, disait ma mère. De là à me prendre pour Dieu. Je suis celui[1] qui fait que cela existe et je suis celui qui fait que cela soit effacé. Je suis celui qui écrit. J’ai le pouvoir de vie ou de mort. Une fois le livre achevé, il peut être oublié. Je fonctionne de cette manière. Refermé, il perd toute existence.
Reste l’étape finale du synopsis.
Ecrire le synopsis tient de l’autopsie. On regarde couche après couche ce que ce texte a dans le ventre et on le décrit. Le corps est épluché, ausculté strate par strate. Il se retrouve nu, a perdu ce qui lui donnait élégance ou force ou grandeur. Il est nu. Il est couché là noir sur blanc, blafard, inerte, déserté de toute vibration car ligne par ligne ou chapitre par chapitre c’est plat, c’est répugnant d’une vie qui s’est absentée. On reste là à se demander où donc la magie s’en est allée. Et malgré cette constatation, il y a l’obligation de continuer jusqu’au bout et à la fin se retrouver avec quelques feuillets, quatre ou cinq au plus, et se dire qu’on aurait pu se contenter d’eux et faire en cinq feuilles, ce qui a pris tout un livre. Résume, disait mon père à ma mère dès qu’elle commençait le récit de la moindre anecdote. Et c’était comme s’il fallait alors percer le soufflé d’un coup de fourchette.
[1] Et non celle... puisque Dieu est un homme jusqu’ici.