Flop ou pas ?
A propos des rencontres littéraires de Carolles avec Thierry Dancourt...
Non, je ne reprends pas les chroniques, je m’en tiens à ce que j’avais écrit dans l’article précédent.
Mais j’ai besoin de m’insurger. Chaque fois que j’entends à propos de cette rencontre littéraire de décembre : « Ce n’était pas terrible, samedi ! ». Et ce matin, chez mes libraires préférés où je viens acheter le livre en question, mue sans doute par un besoin compassionnel d’aller me rendre compte par moi-même du talent de l’écrivain, après cette rencontre que tout le monde estime décevante : plus aucun de ses livres exposé ! Voici déjà notre écrivain et ses petits tous remballés, prêts à repartir d’où ils sont venus. Ce qui est sûr, c’est que niveau vente, ça a été un flop.
Voici bien l’inconvénient de ces événements littéraires auxquels le public accourt, soit pour découvrir en vrai quelqu’un qu’on voit à la TV, soit pour apprendre quelque chose (comme ce fut le cas avec Aline Kiner qui, elle, a l’habitude des auditoires et captive avec les meilleures anecdotes qu’on retrouvera dans son livre qui traite du moyen-âge, sujet qu’elle a étudié au plus haut niveau, et Madame Kiner, quand elle prend la parole, elle la garde), soit pour assister à un show.
Et à Carolles, le show a presque toujours lieu avec aussi parfois tout un festival d’émotions selon les extraits que choisit de lire Xavier Houssin, mais peut-être aussi en fonction de son intérêt à lui, voire de son admiration pour l’auteur qu’il reçoit, avec qui il est alors d’une merveilleuse générosité. Pour ce qui est de l’auteur de samedi, on était en droit de se demander qui au juste avait décidé de l’inviter.
Quant à l’auteur, on ne médira pas en disant qu’il était clair au bout de 3 minutes qu’il n’était pas un grand communicant ! C’est sans doute pourquoi il excelle en écriture. Il est avant tout un homme qui écrit. Peut-être est-il de ces auteurs qui développent en écriture tout ce qu’ils ne peuvent pas exprimer oralement, qui écrivent pour donner le meilleur d’eux-mêmes, qui n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour se mettre en avant et ne savent même pas le faire. Thierry Dancourt est souvent comparé à Modiano pour ses livres et leur univers. Comment s’étonner qu’il soit à peine plus à l’aise dans ce genre de présentation publique que Modiano ? Pourquoi exiger cela de lui ? Aux questions qui lui étaient posées par Xavier Houssin à propos de ses différents livres, en effet, il hésitait, disait ne plus très bien savoir exactement de quoi il s’agissait, ne brodait pas, ne racontait aucune anecdote du livre, ne savait pas allécher...
Faudrait-il interdire aux auteurs qui ne savent pas se vendre l’accès à l’édition ?
J’avais tellement envie durant tout le temps de la rencontre, puis à chaque fois que j’entendais : « Ce n’était pas terrible » d’expliquer que certains auteurs écrivent comme on met au-dehors de soi. C’est un processus qui permet à celui qui écrit de surmonter, sublimer, passer par-dessus... L’intérêt d’un livre est dans le texte, et très peu dans ce que l’auteur veut bien en dire. Souvent même ce qu’il en dit déflore le mystère du texte et, à la lecture, si nous ne l’avons pas encore lu, nous nous arrêterons pour penser, oui, ça je sais, il l’a raconté samedi.
En plus de leur talent d’auteures, Carolles Martinez est une conteuse née, Valentine Goby est une extraordinaire communicante, Laurence Tardieu éveille une sympathie et une empathie immédiates. Si les soirées où elles étaient reçues ont été de véritables grands moments, qu’en est-il de l’écriture de Thierry Dancourt et de son dernier roman ? Sa venue ne m’a pas permis de l’appréhender.
Du coup chez mes libraires préférés, je l’ai acheté, moi, son livre « Jeu de dame », histoire d’aller voir au-delà de sa prestation orale, histoire d’aller voir ce qu’il y a dans le ventre de son écriture, là où ça m’intéresse vraiment.
Le 22 décembre je suis invitée au cercle de lecture de VVV à St Jean le Thomas par Bernadette Cozette. La réunion consistera en un tour de table où chacun des membres dira ce qu’il a pensé de la lecture de « La vie en face...ne vous déplaise ». Devinez quelle auteure était à l’honneur le mois précédent, juste avant moi : Aline Kiner ! Et elle a fait l’unanimité bien évidemment...
Ceux qui me souhaitent de bonnes fêtes n’imaginent pas que 2018 m’en réserve une supplémentaire : les critiques en pleine face... ne me déplaise ! L’annonce d’un flop assuré et ça en pleine relecture de mon livre sur le bonheur !